Kawun – Hommage

« j’ai réalisé que la couleur pouvait tout exprimer sans avoir besoin de recourir au relief ou à la texture. j’ai compris qu’il était possible de traduire la lumière, les formes, les personnages par le biais de la couleur seule sans avoir à recourir à d’autres valeurs ». Pierre Bonnard

Le plus beau cadeau que Dieu ait pu m’offrir a été d’aller fouiller dans la grange magique du Maître des hauts plateaux du Gévaudan, de découvrir un monde inoubliable, entre les bottes de pailles parfumées, les machines agricoles et les poules bruyantes.
Découvrir des années et des années de travail effectué bien avant la naisssance de ma pensée, par les réflexions, les défis, par les recherches abandonnées au nom de la cristallisation de l’expérience au présent ; car Ivan le Terrible, dit Kawun, vit au présent : pour lui, le passé est le passé ! L’instant de la création souffle de la vie, est loin de la mort, loin de l’histoire ; ce qui compte : le Présent !
Savoir faire la vraie peinture est le credo du Géant des temps immémoriaux, tassée dans ses veines, l’expérience des siècles surgit dans l’inspiration instantanée; Slave de la Byzance mythique et glorieuse, repoussée dans un oubli volontaire, mais chargée des forces ancestrales ; c’est le mage qui nous dit comment et quoi faire.
La source des forces inépuisables de ce Terrible Ivan, les forces de la vie tout simplement, c’est du secret de sa palette alchimique et maiestueuse qu’il les détient : faire d’une poudre, une couleur, d’un œuf, un prodige d’amallgame … mille et une images de Venise ou du monde qui nous entoure.
Pas de fleur, pas de fruit, pas d’homme désespéré figuré, rien de plus simple que le ciel de Venise.
Pourtant, le ciel est là, la lumière iaillit, les spectres et les coupoles aussi. Tout y est ! Et pourtant …
… il ne vous guide pas, il vous laisse fouiller et chercher à votre guise. Mais attention ! Au bout du labyrinthe il vous attend d’un œil farouche le Grand Ivan, arbitre d’un match perdu d’avance.
Non!

Vous qui ne croyez ni en Dieu, ni aux forces mythiques et spirituelles, éloignez-vous, car ignorants de la raison d’être ! Eloignez-vous, faux sceptiques des théories usées. Que Ivan le Terrible vous aide à purifier votre raison, qu’il guide votre regard vers le vrai et l’unique ; éternelle raison de la beauté enivrante !
Prenez garde, méchants loups, des steppes inexplorées. Vous êtes pris ! Abandonnez vos tanières, ouvrez vos cœurs essoufflés et entrez dans le monde du Grand Maître avec, à vos pattes, des chaussons de velours … Car il vous en attend des pièges !
Le Maître devant vous se nomme Ivan le Terrible, dit Kawun, et rien n’est hasard sur ses champs de batailles.
Je te salue Grand Ivan des hauts plateaux du Gévaudan, des steppes et des vents puissants.
Je te salue, le Terrible, ainsi que le feu de tes couleurs et de tes gestes.

Siobo – Directeur artistique de l’AMAC – 1990

… Qui dira d’où Kawun tire sa force et son acharnement, de quelle soif de conquête ou de quel désespoir ? Il lutte contre lui-même et l’élément matériel, mais il se bat aussi pour
garder l’influx intact de trahison. Il sait en effet le danger d’un métier (trop) rodé qui lisse des aspérités et dévie l’emprise du peintre sur le réel. Ce serait si tentant, après tant de victoires et d’acquis, de laisser courir le crayon ou gré de ce qu’il sait faire … appliquer une recette éprouvée, quel bien-être … mais aussi quel relent amer de capitulation ! L’ivresse du trait virtuose est un plaisir stérile qui porte sa fin en soi. Résistant à la séduction, Kawun charge ainsi d’énergie la virulence et la verdeur des formes que le seul exercice d’une technique habile aurait amollies et privées de vie …

Florence Verdier Extrait du texte de catalogue 45 ans de peinture Musée d’Aurillac – 1995